La sécurité financière et la prévention de l’abus financier chez les personnes en situation de handicap cognitif
Une note de breffage de Open Collaboration pour l’accessibilité cognitive et l’Université d’Ottawa

Cette note de breffage a été préparée pour le Bureau de la condition des personnes handicapées à la demande de la Sinneave Family Foundation pour informer du développement de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées.
Table des matières
- Résumé
- La sécurité financière et la prévention de l’abus financier chez les personnes en situation de handicap cognitif
- Justification
- Pourquoi est-ce que les personnes en situation de handicap cognitif sont-elles à risque d’abus financier ?
- Manque d’accessibilité aux services financiers
- Le financement direct et les risques d’abus
- Des définitions vagues de l’abus financier
- Manque de meilleures pratiques, de formation et d’éducation pour soutenir les personnes
- Manque d’éducation et de soutien pour les personnes en situation de handicap cognitif
- Répercussions sur le terrain
- Répercussions sur les politiques
- Survol de la recherche
- Références pertinentes
- À propos des auteures
- À propos de Open Collaboration pour l’accessibilité cognitive
Résumé
Cette note de breffage se concentrent sur le besoin urgent d’aborder les risques d’abus financiers auxquels les personnes en situation de handicap cognitif font face dans le contexte de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées (PCP).
Même si la PCP vise à réduire la pauvreté et à améliorer la sécurité financière des Canadiens en situation de handicap, les risques d’abus financiers demandent notre attention pour s’assurer de l’application réussie de cette loi.
Les personnes en situation de handicap cognitif font face à plusieurs défis qui augmentent le risque de vivre un abus financier :
- Les barrières à l’accessibilité des services financiers nuit au contrôle des personnes sur leurs finances
- Les programmes de financement direct offrent de l’indépendance, mais ils suscitent l’inquiétude face à l’augmentation du risque d’abus financier, surtout dans des systèmes de soutien moins structurés.
- Les personnes de soutien, ce qui inclue les membres de la famille et les personnes de soutien rémunérées, manque de formation et de conseils pour évaluer les compétences en numératie, pour supporter ceux qui ont des besoins plus importants et pour s’orienter dans les programmes de financement direct.
- Les définitions actuelles de l’abus financier échouent à tenir compte des abus qui découlent des pratiques de soins surprotectrices, ce qui rend l’identification des abus financiers et leur prévention difficiles.
- Les personnes en situation de handicap désirent plus d’autonomie et de protection contre les abus financiers.
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Répercussions sur le terrain
Pour répondre à ces défis et promouvoir la sécurité financière, plusieurs mesures clés doivent être appliquées :
- Le renforcement de la définition de l’abus financier : les définitions devraient reconnaître explicitement l’équilibre délicat entre promouvoir l’autodétermination et le devoir de protéger des personnes de soutien.
- Des systèmes de signalement efficaces : des systèmes de signalement robustes et des processus réactifs conçus avec les personnes de soutien devront être développées pour améliorer la confiance pour faire un signalement et s’assurer d’une intervention qui tombe à point nommé.
Répercussions sur les politiques
Des mesures politiques efficaces sont essentielles pour créer un paysage financier inclusif :
- Des services bancaires accessibles sur le plan cognitif : Intégrer des données probantes dans le développement de standards canadiens en accessibilité pour rendre les services bancaires accessibles sur le plan cognitif.
- Promotion de l’autonomie : Des systèmes de réglementation doivent reconnaître les capacités des personnes en situation de handicap cognitif à gérer leurs finances avec le support nécessaire, en insistant sur leur droit à l’autonomie.
- Accessibilité et accommodements pour soutenir une prise de décision autonome : Avant de déterminer un manque de capacité, un cadre réglementaire doit explorer les options d’accommodements jusqu’au préjudice injustifié, s’assurant de la protection des droits des personnes.
La sécurité financière et la prévention de l’abus financier chez les personnes en situation de handicap cognitif
Justification
L’article 12.5 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) stipule que : “[…] les États Parties prennent toutes mesures appropriées et effectives pour garantir le droit qu’ont les personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, de posséder des biens ou d’en hériter, de contrôler leurs finances et d’avoir accès aux mêmes conditions que les autres personnes aux prêts bancaires, hypothèques et autres formes de crédit financier; ils veillent à ce que les personnes handicapées ne soient pas arbitrairement privées de leurs biens.” Néanmoins, de nombreuses personnes en situation de handicap ont un contrôle limité sur leurs finances et ils sont souvent sous un contrôle strict de leurs dépenses.
L’habilité à exercer un pouvoir légal sur un même pied d’égalité avec les autres, ainsi que le droit d’utiliser un pouvoir légal sont aussi couverts par l’article 12 de la CDPH. Néanmoins, les personnes en situation de handicap sont à risque de se faire ôter leur pouvoir légal, laissant les personnes de soutien agir en leur nom.
Le pouvoir légal garantit qu’un individu est reconnu par le système juridique, leur permettant de prendre des décisions qui les concernent, d’exercer leurs droits, de naviguer au travers des poursuites civiles et criminelles, de prendre part à des contrats et de parler par eux-mêmes.
Être protégé de l’exploitation, de la violence et de l’abus est couvert par l’article 16 de la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées (CDPH). Les personnes en situation de handicap cognitif sont quatre fois plus susceptibles de vivre de l’abus, ce qui inclue de l’abus financer, comparé aux autres personnes. Les abus financiers à l’encontre de personnes en situation de handicap tendent à être chroniques et plus sévères comparé aux abus financiers à l’encontre du reste de la population. Les personnes en situation de handicap cognitif qui sont victimes d’abus peuvent vivre des problèmes de santé mentale, avoir des cauchemars, développer un trouble de stress post-traumatique (TSPT), se faire du mal ou essayer de se suicider. Le plus souvent, les abus financiers sont perpétrés par des personnes de soutien rémunérées ou des membres de la famille qui peuvent être enclins à surprotéger les personnes qui leur semblent vulnérables à l’abus et à négliger les droits des personnes en situation de handicap à l’autodétermination.
Celui qui perpétue des abus financiers :
Prend l’argent ou la propriété d’une personne sans sa permission;
Prive ou limite l’argent pour contrôler quelqu’un; force quelqu’un à signer des documents;
Force une personne à acheter des choses ou à changer des volontés;
Et peut voler et faire une fraude, qui sont considérées comme des crimes.
Le but de cette note de breffage est de soutenir le Gouvernement du Canada dans ses efforts pour développer une réglementation dans le cadre de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées (PCP). La loi a pour but de réduire la pauvreté et d’améliorer la sécurité financière des adultes qui ont des handicaps et qui sont en âge de travailler. Cependant, pour que ça fonctionne, le risque des abus financiers doit être pris au sérieux, ainsi que les politiques et les pratiques mises en place pour réduire ce risque.
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Pourquoi les personnes en situation de handicap sont-elles à risque d’abus financiers ?
Le manque d’accessibilité aux services bancaires
Les personnes en situation de handicap cognitif font état d’incertitudes en ce qui concerne la façon d’accéder à leur argent et à leurs comptes et ils rencontrent des barrières pour accéder et utiliser des services bancaires. Alors, ils comptent sur d’autres personnes pour gérer leurs finances et pour utiliser des services bancaires, ce qui contribue au manque de contrôle qu’ils exercent sur leur argent. Leur dépendance envers les autres augmente aussi les risques de vivre des abus financiers.
Le financement direct et les risques d’abus
Dans de nombreuses juridictions, les personnes en situation de handicap ont accès à des programmes de financement direct (p. ex. Le programme Passeport développé par le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires de l’Ontario), qui leur offrent des opportunités de financement pour engager du personnel de soutien et pour acheter des services par eux-mêmes. Néanmoins, des chercheurs qui étudient des programmes similaires (p. ex. aux États-Unis, en Irlande, au Royaume-Uni et en Australie) suscitent des inquiétudes que le financement direct augmente les risques d’abus financiers. Le financement direct crée un système de soutien qui est moins structuré qu’avant et des gens pourraient être trompés des fournisseurs de services frauduleux. À notre connaissance, aucune étude canadienne n’existe pour surveiller les résultats positifs, ainsi que les effets négatifs du financement direct.
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Des définitions vagues de l’abus financier
Les personnes en situation de handicap cognitif qui ont vécu des abus indiquent que, quand ils ont signalé des incidents d’abus, ils n’ont pas été soutenus et ils ont même été discrédités, car les autres pensaient qu’ils surréagissaient. Les définitions actuelles sur l’abus financier semblent insuffisantes pour bien capturer l’abus chronique et les situations d’abus financiers qui résultent de pratiques autoritaires et surprotectrices des personnes de soutien. Quand on travaille avec des personnes en situation de handicap cognitif, il est crucial de maintenir un équilibre entre des pratiques protectrices et des opportunités pour eux de devenir autonomes.
Cependant, créer un tel équilibre peut être compliqué quand les attentes et les lignes directrices sont ambigües en ce qui concerne ce qui constitue une situation abusive pour les personnes en situation de handicap. De même, la gestion du risque peut être un défi pour le personnel de soutien. Ces professionnels sont nécessaires pour faciliter une prise de risque qui est positive chez les personnes en situation de handicap et pour prévenir les abus. En d’autres mots, alors que le personnel de soutien essaie d’aider les personnes dans leur gestion financière, ils peuvent limiter l’accès des personnes en situation de handicap cognitif à leur financement avec l’intention de les protéger contre l’abus.
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Manque de meilleures pratiques, de formation et d’éducation pour soutenir les personnes
Les membres de la famille et les personnes de soutien rémunérées offrent souvent un énorme soutien aux personnes en situation de handicap cognitif pour gérer leurs finances, faire des choix et explorer des options. Pourtant, les personnes de soutien rapportent :
- Avoir des difficultés à évaluer les compétences de numératie et de littéracie financières des personnes en situation de handicap cognitif.
- Vivre des difficultés à soutenir des personnes qui ont besoin d’un plus grand soutien (p. ex. : ceux qui ont des besoins plus complexes et des limitations plus importantes dans les habilités cognitives et communicationnelles) en ce qui concerne l’argent et les finances.
- Manquer d’informations et de direction dans l’application des programmes de financement direct.
- Ne pas vouloir donner des conseils relatifs à l’argent à cause des risques d’être accusé d’abus financier.
Le manque d’éducation et de soutien pour les personnes en situation de handicap cognitif
Les personnes en situation de handicap cognitif ont exprimé le désir d’avoir plus d’autonomie et de contrôle sur leurs finances et d’apprendre comment se protéger contre l’abus financier. Néanmoins, nous ne savons pas comment les personnes en situation de handicap cognitif interprète les situations abusives et s’ils identifient le danger dans des situations de la vie quotidienne. Alors, éduquer les personnes en situation de handicap cognitif est de la plus haute importance. L’éducation devrait couvrir l’dentification du danger lors de situations abusives et l’amélioration de leurs habiletés de prises de décisions dans de telles situations.
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Répercussions sur le terrain
Une définition claire de ce qu’est l’abus financier est nécessaire avec le développement de meilleures pratiques et de formation pour les personnes de soutien et les membres de la famille. Les définitions doivent inclure explicitement l’abus chronique, même provenant des personnes de soutien et des membres de la famille, tout en reconnaissant le besoin de trouver un équilibre entre promouvoir l’autodétermination et le devoir des soignants de protéger.
Des systèmes de signalement efficaces et des processus qui permettent une intervention rapide devraient être mis en place, alors que les personnes en situation de handicap cognitif et le personnel de soutien signalent ne pas avoir une grande confiance en les systèmes de signalement et la probabilité que des organisations agissent lorsque l’abus est signalé. Des systèmes et des processus efficaces doivent être conçus en collaboration avec le personnel de soutien direct, puisque le financement direct, les emplois précaires et le sous-financement dans le secteur requièrent qu’on prenne en considération des contraintes organisationnelles.
Répercussions sur les politiques
Le développement et l’implantation des standards d’accessibilité canadiens doivent intégrer des données probantes pour rendre les services bancaires accessibles sur le plan cognitif. Dans des recherches antérieures, nous avons souligné le besoin de développer des lignes directrices pour rendre les méthodes d’authentification accessibles sur le plan cognitif.
Les personnes en situation de handicap cognitif doivent être considérées comme capables de gérer leurs finances avec le soutien requis. Des systèmes de régulation doivent soutenir leur droit à l’autonomie. De plus, avant de déterminer qu’une personne manque de capacités, on a le devoir d’explorer les options d’accommodements jusqu’au préjudice injustifié.
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Survol de la recherche
Les informations dans ce document sont basées sur :
- Une revue de la littérature scientifique sur les abus et les abus financiers chez les personnes en situation de handicap cognitif.
- Une étude qui explore la façon dont les personnes en situation de handicap cognitif définissent et analysent des situations abusives sur le plan financier, ainsi que la façon dont ils se sentiraient et agiraient dans des situations qu’ils jugeraient abusives. Nous avons présenté trois courtes histoires qui montrent différents types d’abus financiers à 12 personnes en situation de handicap cognitif et nous leur avons posé des questions pour explorer leurs perspectives concernant ces situations. Le rapport complet est disponible ici : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/jar.13196.
- Une étude qui explore la façon dont les employés d’organismes qui soutiennent les personnes en situation de handicap cognitif définissent et analysent des situations abusives sur le plan financier, ainsi que la façon dont ils se sentiraient et agiraient dans des situations qu’ils jugeraient abusives. Quatorze employés de tels organismes ont participé à une entrevue semi-structurée où nous leur avons demandé de réfléchir à cinq vignettes qui illustraient différentes formes d’abus financiers. Le rapport complet est disponible ici. Nous avons présenté trois courtes histoires qui montrent différents types d’abus financiers.
Références pertinentes
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Conder, J., & Mirfin-Veitch, B. (2020). “Getting by”: People with learning disability and the financial responsibility of independent living. British Journal of Learning Disabilities, 48(3), 251–257. https://doi.org/10.1111/bld.12329
Cortis, N., & Van Toorn, G. (2022). Safeguarding in Australia’s new disability markets: Frontline workers’ perspectives. Critical Social Policy, 42(2), 197–219. https://doi.org/10.1177/02610183211020693
Fleming, P., McGilloway, S., Hernon, M., Furlong, M., O’Doherty, S., Keogh, F., & Stainton, T. (2019). Individualized funding interventions to improve health and social care outcomes for people with a disability: A mixed‐methods systematic review. Campbell Systematic Reviews, 15(1-2). https://doi.org/10.4073/csr.2019.3
Ghaderi, G., & Cobigo, V. (2024). Exploring the complex cognitive, affective and behavioural processes of individuals with intellectual disabilities in financially abusive situations. Journal of Applied Research in Intellectual Disabilities, 37(2). https://doi.org/10.1111/jar.13196
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Taylor, W., Cobigo, V., & Ouellette-Kuntz, H. (2019). A family systems perspective on supporting self-determination in young adults with intellectual and developmental disabilities. Journal of Applied Research in Intellectual Disabilities, 32(5), 1116–1128. https://doi.org/10.1111/jar.12601